Après plus de trois ans de débats, de rapports et de négociations entre partenaires sociaux, la loi « pour renforcer la prévention en santé au travail » a été promulguée le 3 août dernier par le Président de la République. Si certaines de ses dispositions restent encore soumises à la publication de décrets, elle entrera en vigueur en mars 2022. Tour d’horizon non exhaustif de quelques-unes des principales nouveautés d’un texte très orienté vers la prévention.
Les changements du côté des employeurs
Renforcement du DUERP
L’obligation de produire et tenir à jour un Document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) date de près de 20 ans. Le législateur a donc tenu à dynamiser le dispositif pour faire du DUERP ce qui était attendu de lui, à savoir la colonne vertébrale de la démarche de prévention et de santé au travail dans l’entreprise.
Ainsi, à partir de 50 salariés, l’entreprise aura obligation d’intégrer dans son DUERP un Programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail (Papripact). Ce document devra non seulement lister les actions que l’employeur aura planifiées face aux risques identifiés, mais il devra aussi préciser des indicateurs de résultat, une estimation du coût des actions, l’identification des ressources à mettre en œuvre ainsi qu’un planning de déploiement. L’obligation sera adaptée pour les entreprises de moins de 50 salariés, qui pourront se « limiter » à une liste d’actions à initier.
La loi prolonge par ailleurs la durée de conservation du DUERP : l’entreprise devra assurer, à qui le souhaiterait (salariés, anciens salariés, instances…), un accès à chaque version du DUERP pendant au moins 40 ans. Le document initial et chacune de ses mises à jour devront en outre être déposés sur un portail numérique à partir du 1er juillet 2023 pour les entreprises de plus de 150 salariés, et au plus tard le 1er juillet 2024 pour les autres. Enfin, le DUERP devra être communiqué au service de santé au travail auquel adhère l’entreprise.
L’accès à une offre de services élargie, pour un public élargi
Les entreprises (ainsi que leurs salariés) pourront bénéficier, en contrepartie de leur cotisation, d’un ensemble clairement défini de prestations que devront proposer tous les services de santé au travail (SST) de France. Cette « offre socle de services » pourra être assortie, cette fois-ci selon la volonté propre de chaque SST, d’une « offre complémentaire » de services payants. En définissant ainsi les contours d’une offre socle communes à tous les SST, le législateur a souhaité garantir aux entreprises un accès égal à des prestations jugées incontournables. La certification obligatoire des services de santé au travail participera également à cette homogénéité dans la façon de rendre le service attendu par les employeurs et salariés. A noter à ce propos, que AST Grand Lyon est certifié ISO 9001 depuis 2018.
Le texte de loi introduit également la possibilité nouvelle pour les chefs d’entreprise et les travailleurs indépendants de bénéficier d’une offre de services spécifique.
Le changements du côté des salariés
De nouveaux moyens pour prévenir la désinsertion professionnelle
La loi, très axée sur la prévention de la désinsertion professionnelle (PDP), instaure de nouveaux dispositifs pour le maintien en emploi des salariés.
La visite de mi-carrière
Dans l’année civile de ses 45 ans (ou à un autre âge si un accord de branche va dans ce sens), le salarié devra passer une visite dite de « mi-carrière ». Elle aura notamment pour but de vérifier l’adéquation entre son poste et son état de santé, ainsi que de le sensibiliser aux enjeux du vieillissement.
Possibilité d’ouvrir au médecin du travail l’accès à son dossier médical partagé (DMP)
Le DMP est un carnet de santé digital qui regroupe – de manière sécurisée – les informations relatives à la santé d’une personne. On y trouve par exemple mention des traitements suivis, des examens médicaux, etc. La loi du 2 août 2021 donne au médecin du travail – sous réserve de l’accord du salarié concerné – la possibilité de consulter le DMP et d’y déposer des informations. Cette disposition rend ainsi possible l’échange d’informations entre professionnels de santé (médecin du travail, généralistes, spécialistes) afin d’assurer une meilleure prise en charge globale.
Des cellules de maintien en emploi
Tous les services de santé au travail devront, selon la loi, disposer d’une cellule spécifique de maintien en emploi. AST Grand Lyon a pris cette initiative il y a plusieurs années déjà et dispose d’un pôle d’appui au maintien en emploi particulièrement actif auprès des salariés les plus en difficulté.
Le passeport de prévention
Le 1er octobre 2022 (au plus tard), entrera en vigueur le passeport de prévention. Il s’agit d’un document traçant l’ensemble des formations suivies et qualification acquises par le salarié en santé et sécurité au travail pendant sa carrière.
Les changements du côté des services de santé au travail
Changement de nom et extension des missions vers la santé publique
A l’entrée en vigueur de la loi, les Services de santé au travail interentreprises (SSTI) deviendront des Services de prévention et de santé au travail interentreprises (SPSTI). Derrière ce changement d’appellation, on trouve de nouvelles missions en lien avec la santé publique. La loi précise ainsi que les SPSTI devront contribuer à « des actions de promotion de la santé sur le lieu de travail, dont des campagnes de vaccination et de dépistage, des actions de sensibilisation aux bénéfices de la pratique sportive et des actions d’information et de sensibilisation aux situations de handicap au travail ».
De nouvelles compétences dans les services de santé au travail
Les médecins du travail auront la possibilité de s’adjoindre les services de nouveaux professionnels auxiliaires disposant de compétences en santé au travail. Par ailleurs, pour faire face à la pénurie de médecins du travail, le texte prévoir la possibilité future (au plus tard le 1er janvier 2023) pour les SSTI des zones les plus tendues de recourir au renfort de médecins de ville formés en médecine du travail.
Pratiques médicales à distance
Lorsque cela est possible – et sur accord du salarié – le professionnels de santé au travail pourra recourir à des pratiques médicales à distance. Par ailleurs, s’il juge cela nécessaire au regard de la situation du salarié, il pourra proposer à ce dernier la participation de son médecin traitant ou spécialiste à cette consultation à distance. Le salarié restera libre d’accepter ou non cette proposition.
illustration : ©Yvan Reitserof – AdobeStokc