La hausse du nombre d’arrêts de travail de longue durée est un sujet qui touche à la dimension humaine du salarié et organisationnelle de l’entreprise. Dans ce cadre, la préparation du retour au poste du salarié devient un enjeu vers lequel convergent salarié, employeur et médecin du travail.
La tendance semble maintenant installée et frappe près de 65% des entreprises : la durée des arrêts de travail est en allongement constant, passant d’une moyenne de 94 jours en 2020 à 105 jours en 2021 (1). L’une des causes en est évidemment le vieillissement de la population active. Reports successifs de l’âge de la retraite, progrès de la médecine permettant de vivre et travailler malgré et après des pathologies lourdes : tout cela concourt mécaniquement à une hausse du nombre d’arrêts de travail de longue durée, parfois répétés. Le tableau ne serait toutefois pas complet sans y intégrer la prévalence, également en hausse, des troubles psychologiques. Ils représentent la deuxième cause d’arrêt longs, après les accidents et traumatismes, et frappent des salariés de tous âges.
Le retour au poste : pas si simple
Pour les entreprises, l’absence de longue durée d’un collaborateur constitue de toute évidence une source de désorganisation. Pour les salariés concernés, la peine est multiple : aux conséquences –physiques ou cognitives – de la maladie et des traitements associés, s’ajoute l’éloignement du collectif de travail, qui agit comme un facteur de vulnérabilité supplémentaire rendant d’autant plus délicat le moment du retour au poste.
Source : Ayming- AG2R La mondialePour 46% des salariés en arrêt de plus de 90 jours, le retour au poste se solde par un nouvel arrêt, du fait d’une mauvaise réintégration dans l’entreprise.
En 2020, une étude (2) enfonçait d’ailleurs le clou en révélant que 46% des salariés en arrêt de plus de 90 jours enchaînaient un nouvel arrêt du fait d’une mauvaise réintégration dans l’entreprise. Dès lors, la préparation du retour en activité du salarié devient un enjeu tant pour le salarié exposé au risque de désinsertion professionnelle, que pour l’entreprise dans la gestion de ses ressources humaines. Un enjeu qui implique la participation active des deux parties et qui nécessite l’entrée en piste d’un autre acteur essentiel : le médecin du travail.
Car au-delà de ce qui est généralement – et de manière fort réductrice – attendu de lui en termes de visites médicales périodiques, le médecin du travail est un acteur à part entière dans la tentative de résolution de ces situations complexes d’arrêt de longue durée.
La visite de pré-reprise : un moment clé pour préparer le retour au poste
L’accompagnement du salarié en arrêt de travail vers son retour en activité commence dans le cadre confidentiel du cabinet du médecin du travail, avec la visite de pré-reprise. Si cette visite préexistait à la loi du 2 août 2021 visant à renforcer la prévention en santé au travail, cette dernière en a précisé les contours et surtout facilité l’accès. Dans la situation réglementaire antérieure, la visite de pré-reprise était en effet une possibilité offerte aux salariés dont la durée d’arrêt était supérieure à trois mois. Depuis le 31 mars 2022 – date d’entrée en vigueur de la loi du 2 août – tout salarié en arrêt de plus de 30 jours, quelle qu’en soit la cause, peut librement prendre rendez-vous avec son médecin du travail pour bénéficier de conseils visant à préparer le retour dans l’entreprise.
La visite de pré-reprise, qui se déroule donc pendant l’arrêt de travail, est un moment privilégié au cours duquel le médecin du travail va écouter le salarié pour évaluer de potentielles fragilités. Selon ce que le professionnel de santé pourra constater, il sera amené à rassurer et conseiller ou, dans les cas les plus complexes, à contacter l’employeur pour identifier avec lui des mesures au bénéfice de l’accueil et de la reprise d’activité du salarié. Il s’agira alors, et tout en préservant le secret médical dont bénéficie le salarié, d’imaginer un aménagement de poste, une adaptation du temps de travail ou de l’organisation collective. Dans les situations les plus extrêmes d’inadéquation entre le poste et l’état de santé, situations que tout professionnel de la santé au travail a pour vocation d’éviter, le salarié pourra être guidé dans une démarche de maintien en emploi (reclassement, reconversion).
La visite de pré-reprise ne peut pas donner lieu à une inaptitude, qui reste une éventualité du champ de la visite de reprise qui, elle, est obligatoire.
La visite de pré-reprise doit être envisagée à l’aune de ce qu’elle représente pour les deux acteurs de l’entreprise. C’est, d’une part, une opportunité pour le salarié de revenir sereinement à son poste et de préserver son capital d’employabilité. D’autre part, elle apporte un renfort à l’employeur pour une réintégration durable de compétences dans le collectif et l’organisation de travail ; c’est d’ailleurs pourquoi (lire ci-dessous) il est important que l’employeur informe le salarié de ce dispositif finalement profitable à tous.
(1) Baromètre annuel Malakoff Humanis de l’absentéisme maladie 2021
(2) 12e baromètres Ayming- AG2R La mondiale de l’absentéisme et de l’engagement
Un kit d’information pour aider les employeurs dans le retour au poste des salariés malades
L’employeur ou le manager a un rôle prépondérant auprès du salarié en arrêt de longue durée, notamment en évitant son isolement par un maintien d’un lien. Si la volonté des employeurs de garder le contact est souvent présente, les interrogations demeurent : « Ai-je le droit de contacter mon salarié pendant son arrêt ? », « Comment prendre contact tout en respectant le droit du salarié de ne rien dire de sa maladie ? ».
Pourtant, il est avéré que la préservation d’un lien entre l’entreprise et le salarié malade est favorable à un retour au poste dans de bonnes conditions. AST Grand Lyon et ses partenaires ont donc édité un kit de maintien en emploi pour aider les employeurs à se saisir de cette problématique et à informer les salariés des possibilités d’aide au retour.
Ce kit d’information (en téléchargement ci-dessous) est également utile pour l’animation du rendez-vous de liaison, un dispositif mis en place par le législateur depuis mars 2022, et ayant « pour objet d’informer le salarié qu’il peut bénéficier d’actions de prévention de la désinsertion professionnelle », dont la visite de pré-reprise.